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Le coufee tomba et le sanctuaire s’emplit alors d’une étrange odeur de sang extraterrestre. Une interminable et fluctuante mélopée s’éleva dans la salle. Tsavong Lah attendit que les prêtres se mettent réellement au travail, puis s’écarta du puits sacrificiel pour recentrer ses pensées sur l’attaque surprise qu’il planifiait.

– Vous ne souhaitez pas connaître la volonté de Yun-Yammka ? demanda Vergere, le regard toujours braqué sur l’esclave gémissant gisant sur l’autel.

– La volonté du Massacreur n’est pas un mystère. Comment l’accomplir… Ça, c’est une autre histoire. (Il fit un signe en direction des prêtres et du supplicié.) Ils le servent à leur manière. Je le sers à la mienne.

La bouche en forme de bec de Vergere s’entrouvrit et dessina ce que Tsavong Lah interpréta comme un sourire moqueur.

– Vous doutez de la fiabilité des prophéties de Vaecta ?

– Seuls les Dieux sont infaillibles. (Tsavong Lah regarda dans le puits et sourit en observant ce qui était en train de s’y produire.) Les prêtres sont des serviteurs loyaux, mais, tant qu’ils ne m’auront pas expliqué comment les Jeedai maîtrisent leur magie, je me sentirai toujours obligé de procéder à mes propres recherches.

– Vous surestimez vraiment trop les Jedi.

Vergere regarda à nouveau vers le puits sacrificiel et posa les yeux sur le malheureux esclave hurlant de douleur. La tête en forme de T de l'Ithorien se tourna dans sa direction. Son regard croisa brièvement celui de Vergere. Ses yeux s’opacifièrent et parurent soudain distants. Ses cris se calmèrent bien plus tôt que prévu et le supplicié sembla succomber à l’étrange tranquillité qui s’emparait des esclaves au moment de leur sacrifice. Un prêtre s’avança jusqu’à l’Ithorien et tenta, en vain, de raviver ses douleurs.

– Quel dommage pour l’invasion. (Le ton de Vergere était pareil à celui d’un gamin contrarié.) Les prêtres risquent certainement d’en prendre ombrage.

Tsavong Lah la regarda et constata que ses plumes semblaient s’être aplaties sous le coup de la déception. De temps en temps, Vergere lui paraissait appartenir encore plus à la race Yuuzhan Vong que le plus farouche de ses guerriers.

– C’est un escadron Jeedai qui a empêché l’invasion d’Arkania, dit-il, reprenant le fil de la précédente remarque de sa conseillère. Et ce sont bien deux Jeedai qui nous ont obligés à sacrifier New Plympto.

– Alors détruisez les convois de réfugiés de Talfaglio, dit Vergere. Cela les fera sortir de leur trou.

Tsavong Lah souleva un sourcil.

– Et je devrais donc sacrifier Nom Anor ?

– Ce ne serait pas vraiment un sacrifice.

Tsavong Lah laissa échapper un petit sourire.

– Pour une créature aussi modeste et effacée, tu éprouves de bien grandes ambitions.

Vaecta, au fond du puits sacrificiel, s’avança jusqu’à leur niveau et releva les yeux vers le Maître de Guerre. Femme âgée aux épaules voûtées et au visage parcheminé, elle ne prit pas la peine de s’incliner devant Tsavong Lah ou de croiser ses bras tachés de sang en travers de sa poitrine pour le saluer. Pendant un rituel, la grande prêtresse répondait uniquement au Seigneur Shimrra et mourrait – avec joie – plutôt que de se prosterner devant un autre.

– Le silence de cet esclave ne va pas plaire au Massacreur. Vous ne devriez pas lancer cette attaque.

– La décision m’appartient, dit Tsavong Lah en détournant les yeux.

– Le Seigneur Shimrra a été très clair à ce sujet, acquiesça-t-elle. Je crois également pouvoir vous annoncer que le Seigneur Shimrra a bien précisé que vous deviez appliquer la volonté des dieux dans tout ce que vous entreprenez.

Tsavong Lah conserva la tête tournée.

– Mais la décision m’appartient toujours.

Vaecta ne le contredit pas.

– Parfait. (Le Maître de Guerre posa de nouveau les yeux sur la prêtresse.) Vous allez demander à Yun-Yammka de punir les commandeurs qui ont laissé s’échapper cet escadron de Jeedai. Je vais ordonner à leurs successeurs de lancer une attaque éclair sur la planète et de se retirer très rapidement.

– Si vous taquinez ainsi Yun-Yammka, il va vous réclamer des vies en sacrifice, l’avertit Vaecta. Beaucoup de vies.

– Bien sûr. (Même si Tsavong Lah était persuadé que le dieu de la guerre comprendrait l’intérêt de sa ruse, il lui fallait cependant être prudent avec lui.) Je lui en offrirai huit mille.

– Vingt mille, ce serait mieux, rétorqua Vaecta.

– Va pour vingt mille.

Tsavong Lah tourna les talons et quitta le sanctuaire, réfléchissant déjà à la façon d’ajuster ses plans pour accommoder le rituel. Les sacrifices supplémentaires nécessiteraient une escorte complète, au lieu d’un simple vaisseau, ce qui causerait probablement des tiraillements dans son organisation déjà surchargée.

Vergere vint sautiller à ses côtés.

– Pourquoi accepter cela de Vaecta ? Même avec des renforts, la Nouvelle République ne peut pas tenir Arkania. Envahissez la planète et vous ferez passer la prêtresse pour une imbécile.

Tsavong Lah pivota vers Vergere.

– Tu remets mon jugement en question ? (Il leva une jambe, comme pour lui administrer un coup de pied.) Tu penses savoir, mieux que moi, comment on gagne des batailles ?

Vergere observa longuement la jambe en suspens, puis ébroua son plumage et fit un pas vers le Maître de Guerre.

– Si vous avez une meilleure idée, tout ce que vous avez à faire, c’est de nous en faire part.

Tsavong Lah eut toutes les peines du monde à s’empêcher de rire bruyamment.

– A toi ? Non, je ne pense pas. (Les commandeurs suprêmes et les hauts-préfets tremblaient à son moindre plissement de front. Pourtant, Vergere, ce vilain petit oiseau, parvenait à apaiser sa fureur, comme si celle-ci était sans importance.) Non, toi, je vais continuer à t’observer. Au moins, cela me distrait…